Le lendemain matin à la première heure, c’est-à-dire après son rituel café/joint, donc vers dix heures, il téléphona à son nouveau client.
-M Brodeur, Danny a l’appareil…
-Qui ?
-… Danny… Détective privé… vous avez demandé mes services hier !
-… ah oui ! Pardonnez-moi, j’ai la tête ailleurs, ses derniers temps… Alors ?
-Elle était bien là !
-Et lui ?
-Il était absent.
-Comment était-elle, je veux dire, elle allait bien ?
-Oui, vous voulez que je lui parle ?
-NON… euh, non. Pas encore ! Je veux comprendre, je veux savoir pourquoi elle reste là. Il y a quelque chose, continuer une observation passive.
-J’y retourne ce soir ?
-Oui…
D’accord, c’est vous le patron… Je vous rappelle demain.
Après avoir raccroché, Danny resta songeur. Il était de plus en plus étrange ce client.
En début d’après-midi, Danny décida de téléphoner à Pierre LeTendre. Danny et lui avaient été étudiants au collège de police. Pierre était devenu inspecteur depuis. Ils se donnaient des nouvelles de temps en temps, mais se voyaient rarement.
-Pierre LeTendre chuchota-t-il en répondant.
-Pierre ? C’est Danny, pourquoi chuchotes-tu ? Où est-ce que tu es ?
-Danny ! Comment ça va ! Il continuait de chuchoter.
-Attends, je sors de la pièce, je suis à la morgue et je ne sais pas pourquoi, mais lorsque je suis entouré de cadavre, je chuchote…
-T’es sur une enquête ?
Pierre était sorti de la morgue et déambulait dans un long corridor.
-Pas vraiment, non. Je suis juste venue le confirmer.
-Que veux-tu dire ?
-Figure toi qu’on a découvert deux cadavres dans un logement hier dans la journée. Un couple mort en train de baiser. Elle était en train de lui faire une pipe monumentale pendant que monsieur regardait un truc plutôt hard sur son ordi. Comme je te dis, ça devait être une bonne, car le gars a pété une crise de cœur qui là emporter. Du coup, le gars qui à dans les cinquante ans, a une éjaculation monstre. Sa femme n’étant pas prête à tout reçut dans la gorge. Elle a réussi à se dégager du cadavre et elle a tenté de joindre le téléphone, probablement en suffoquant, et elle s’est effondrée. Elle est morte étouffée par la semence de son mec avant de pouvoir appeler du secours. Écoute, tu aurais dû voir ça, le sperme lui sortait des narines. Et il éclate d’un rire sec et sans joie.
Danny ne disait rien, il imaginait la scène et la réaction de son ami devant celle-ci. Pierre était un type plutôt étrange. À sa sortie de l’école de police, il avait vendu un ami qui s’apprêtait à faire un hold-up pour faire avancer sa carrière. Il s’était confié à Danny un soir ou il avait trop bu et depuis ce temps, cette confidence les avait, disons rapprocher. Pierre n’hésitait donc jamais à lui rendre service.
-Bon je sais ce que tu penses, mais, avoue que c’est ce qu’on appelle la comédie humaine, non ?
-Ouais, si on veut répliqua Danny stoïque.
-Bon, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Est-ce que tu m’invites à aller prendre une bière ? Ce serait une première !
-Ben non ! Tu sais que je ne bois pas… Quoique… j’ai présentement une affaire en cours, et je dois me taper de la surveillance dans un bar, donc…
-Ha, est bonne. Danny obligé de boire ! Tu trouves pas que mieux que ton herbe ?
-D’ailleurs, c’est à ce sujet là que je t’appelle. Est-ce que tu connais un bar du nom de Mystyph ?
-C’est un petit bar miteux sur Ste Catherine ?
-Ouais.
Bof, non. J’suis déjà passé devant, mais j’ai jamais osé entrer. Pourquoi ? C’est là que tu enquêtes ?
-Ouais, selon mon employeur, le propriétaire ferait des affaires louches.
-Laisse-moi deviner, tu veux que je me renseigne sur le bar et son proprio, c’est ça ?
-On peut rien te cacher, je t’en vaudrais une !
-Bon je vais voir ce que je peux faire. Le Mystyph. Et le nom du proprio ?
-Jacques….
-O K, je te rappelle dès que j’ai quelques choses.
Danny était installé à la même table, près de la fenêtre. Il avait décidé, cette fois-ci, de venir en fin d’après-midi. L’établissement était presque vide et accoudé au bar, un client passablement éméché tentait d’entamer la conversation avec Nicole sans trop de succès. Avec elle, derrière le comptoir, le barman de la veille qui s’occupait de garnir les réfrigérateurs à bières pour la soirée.
À son arrivée, Nicole était venue vers lui avec un sourire charmeur et invitant. Il lui avait commandé un rhum ‘n’ coke. Danny qui ne voulait pas être repéré, alternait sa surveillance par de brefs coups d’œil vers la rue. Alors qu’il regardait vers l’extérieur, il aperçut un homme, plutôt élégant, qui se dirigeait vers le Mystyph. Sur le coup, Danny crut reconnaître Jean-Yves. Les deux hommes avaient sensiblement le même look et la même grandeur. L’homme entra dans le bar et Danny constata que la comparaison s’arrêtait là, car l’homme qui marchait vers le bar avait de la prestance et une grande assurance émanait de sa personne. Contrairement à Jean-Yves qui semblait plutôt mou et peu sûr de lui. Nicole étant occupée derrière le bar ne vit pas l’inconnu passer derrière le comptoir. Arrivé près d’elle, il la prit par la taille et la retourna brusquement vers lui. Nicole en voyant l’homme cria de joie en se jetant dans ces bras. Elle l’embrassa langoureusement, Danny ne manquait rien de cet échange passionné.
-Et voilà le pot au rose ! Se disait-il tout en se levant pour aller vers les machines à poker.
Il y serait plus proche pour suivre la conversation.
-Tu m’as manqué. Lui dit-elle à l'oreille.
-Moi aussi, tu m’as manqué, ma belle ! Mais tu sais, la bizness.
-I know, my dear ! Alors, raconte… comment c’est passer ta réunion !
-Très bien, tout va comme sur des roulettes. Tout ce mets en place tranquillement, je suis d’une humeur resplendissante. La prochaine réunion aura lieu ici, demain. Les derniers arrangements se feront à ce moment-là ! Tu devrais faire préparer le champagne, il y aura de quoi fêter !
-Tu m’as l’air en grande forme, nous devrions monter pour en profiter, et après tu me diras tout dans les moindres détails. Elle se tourne vers le barman et lui dit qu’elle monte pour quelques heures et qu’il doit l’appeler seulement en cas d’urgence.
-Et biens ! Se dit Danny tout en mettant une autre pièce de monnaies dans la machine sans porter attention au résultat. Voilà qui devrait clore cette histoire, madame a un amant. Par contre, cette réunion semblait intéressante. Quelque chose lui disait qu’il se tramait quelque chose de gros. Il calla son verre, fit la grimace et sortit du bar.
-Monsieur Brodeur. C’est Danny ! Écouté, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Votre femme à un amant ! Je les ai surpris hier au Mystyph…
À l’autre bout du fil, il n’y avait aucune réaction. Danny pouvait entendre sa respiration, il pouvait presque l’entendre penser.
-Q… quoi ? Balbutia-t-il peu convaincue.
-Votre femme a un amant. Je les ai vus s’embrasser. Et, d’après se baisser, ce n’est pas récent !
Autre silence.
-Je… je ne comprends pas… ce n’est pas possible… pas MA Niko…
-Ça arrive dans les meilleurs ménages, vous savez ! Danny était très détaché et il n’avait aucune espèce de compassion. À la longue, il s’était fait une carapace et ne ressentait plus grand-chose. Mais il était quand même alerte et quelque chose le dérangeait dans la réaction de son employeur. Comme s’il s’attendait à autre chose. Il avait réagi tardivement à la nouvelle et sa réaction avait quelque chose de faux.
-Je n’ai pas pu faire de photo, poursuivit-il. Ça aurait eu l’air douteux. Demain, il y a une réunion qui semble importante, je vais aller y jeter un coup d’œil.
-Oui, allez-y ! Mais vous n’avez pas vu Jacques, son frère ?
-Non.
-Vous le verrez sûrement demain. C’est lui le chef, j’en suis sûr ! L’amant de Nikko, doit être son associé !
-Possible…
Son client semblait se remettre plutôt bien de l’infidélité de sa femme. Il devait s’y attendre.
-Dite, en passant comme ça, votre Nikko semble pas mal mener la barque à sa manière…
-Que voulez-vous dire ?
-Eh bien quel semble être le patron du bar !
À l’autre bout du fil, Jean-Yves eut un moment d’hésitation.
-… heu, oui… C’est normal, elle est actionnaire à cinquante pour cent avec son frère…
-C’est un détail que vous avez omis de me signaler !
-Euh… oui… J’ai… j’ai dû oublié…
-Il y a d’autres trucs importants comme ça que vous avez oubliés, M. Brodeur ?
-Non, non, je vous assure ! S’empressa-t-il de répondre. Puis il changea de sujet. Donc vous y allez demain pour la réunion et vous me tenez au courant. J’attends votre appel.
Et il raccrocha.
Pour une troisième journée consécutive, Danny était fidèle au poste au Mystyph. Il était arrivé tôt, car il ne savait pas à quelle heure était la rencontre et il ne voulait pas la rater.
Un groupe d’hommes arrivèrent vers seize heures trente. Ils étaient quatre. Trois d’entre eux prirent une table et le quatrième se dirigea vers le bar.
Danny comprit que la réunion allait bientôt commencer.
Au bar l’homme s’adressa au barman qui lui rendit un signe de tête complice. Puis l’homme rejoint les autres. Le tenancier appuie sur le bouton de l’interphone situé derrière le bar. Il attend patiemment tout en nettoyant un verre.
Enfin, une voix déformée par la piètre qualité du speaker se fait entendre.
-Oui, Gilles…
-Vos invités sont arrivés, Jacques…
-Parfait, on descend.
Quelques instants plus tard, Danny entend la porte du deuxième s’ouvrir et sitôt après des pas dans les escaliers.
-Bon, je vais enfin le voir ce fameux jacques.
C’est Nicole qui arrive en premier au bas des marches et elle se dirige vers Gilles, le barman.
L’homme arrive, Danny ne le voit pas bien, car son visage reste dans l’ombre. Puis, alors qu’il passe devant Danny, il voit son visage. Danny fronce les sourcils, car il reconnaît le type. C’est le même que l’a veille. L’amant de Nicole. Il ne comprenait pas. Jacques était-il encore en haut ?
Nicole au bar commande des drinks à Gilles et suit son amant jusqu'à la table.
Un des hommes en les voyant arriver s’exclame : Jacques, Nicole vous voilà enfin…
Danny reste interloqué. –Quoi, c’est lui Jacques ! Mais alors, son amant est son frère, shit, c’est dégueulasse !
Comme pour confirmer son dégoût, Nicole vient s’asseoir sur les genoux de Jacques et l’embrassa.
Danny eut la nausée : -sacrament, elle se tape son frère…
Gilles arrive sur l’entrefaite à la table avec les consommations.
Danny se remit rapidement de sa surprise, il se devait de reprendre sa concentration. Il sentait que quelque chose n’allait pas et se promis de faire le point plus tard.
À la table, Jacques propose un toast : À nos affaires ! Une discussion sans grand intérêt s’ensuivit.
Danny commençait à se décourager lorsque soudain il se passa un truc étrange. Un des hommes commença à parler :
-mon contact au Viêt-Nam est vraiment impatient de c…
-Pas ici, aboya Jacques.
Comme si rien ne venait de se passer, Nicole se levas et leurs dits très calmement :-il est temps de passer au deuxième. Nous y serons plus à l’aise pour parler. Je nous ai préparé un léger repas.
Tout le groupe se leva et suivit Nicole. En passant devant Danny, il remarqua Nicole qui l’observait discrètement.
Il devrait faire plus attention, il commençait à se faire remarquer.
Danny attendit une heure avant de partir au cas où il se passerait autre chose. Mais à son grand découragement, ils ne redescendirent pas. Il rentra chez lui, frustré de n’avoir pas pu en savoir plus sûr ce qui se tramait dans ce bar.
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