Délires et propos sensés
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 LE CLUB

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Alain Bésil
Bavard
Alain Bésil


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MessageSujet: LE CLUB   LE CLUB EmptyMer 2 Jan - 14:37

La réunion eut lieu, ce soir-là, dans le local habituel: un vieil appartement. Une mansarde avec une cuisinette où couraient des cancrelats quand on allumait la lumière. Mais on s'y était tous habitués.

Joseph arriva à sept heures. Dans son fauteuil roulant, il eut peine à grimper la rampe sommaire installée depuis deux ans. En plus, il pleuvait à boire debout… Et il pouffait de rire à chaque fois qu'il entendait cela. Pour quelqu'un en fauteuil roulant, c'était crevant… Et il répétait toujours, avec une moue heureuse, les yeux plissés, qu'il était venu en 2X2…

Rita, toujours vêtue de rose et d'autres couleurs vives, titubait, le visage gonflé par un cancer des glandes, en entrant. Elle riait, le menton boursouflé par les masses qui lui poussaient au cou. Et chaque matin, c'était pire. Mais elle était gaie et prépara le café. Et quand Jean-Guy entra, elle lui en offrit une tasse. Il la regarda, les yeux plein d'eau, et se mit à parler de son dernier repas au restaurant. Il avait mangé un «Hot Chicken». Sylvia, la schizophrène, assise sur un banc, voyait le poulet danser dans l'assiette et les frites se grouper, se former en forme ovale, rentrant dans leur champ humide, la terre. Comme un film à l'envers. Rita le regardait avec amour…Elle le trouvait charmant: il parlait sans cesse, et elle se souvenait l'avoir vu un jour ramasser un oiseau blesser et l'embrasser, peiné. L'oiseau s'était remis à voler. Personne ne savait pourquoi. Lui-même ne le savait pas. Simplement parce qu'il l'avait voulu, et qu'il savait qu'en le désirant, cela se produirait.

- Thérèse va venir?
- On ne le sait pas…
Elle arriva quelques minutes plus tard avec sa colombe, dans son lit d'hôpital, paralysée, mais l'œil vif.

Mais tous étaient contents et l'embrassèrent.

C'était par un soir de septembre, et la pluie dégoulinait aux fenêtres. Pourtant, personne n'était triste.

La grande Nicole avait acheté un flacon de cognac, et son grand plaisir était d'en glisser une lampée dans le café de chacun.

La colombe, dans sa cage, roucoulait.

- Elle veut à manger…
- Non, elle veut de l'amour dit Rita.

Et elle alla la bécoter à travers les barreaux.

Alors entra le président. Il était sale et loqueteux, la barbe longue, et portait un portfolio avec des dessins que tous aimaient.

- Ça va, Alain?
Il rigolait. Il avait le teint cireux des gens qui boivent trop… Mais quand on lui en faisait la remarque il disait que toutes les couleurs qu'il avait s'en allaient sur ses toiles.

- N'oubliez pas que je suis un peintre.
- Montre-nous ta dernière toile…

Oui, dirent-ils en cœur.

Alors il la dévoila. C'était les visages d'un couple. Les images avaient été copiées des pièces de monnaie qui traînaient dans ses poches. Il avait imaginé qu'ils vivaient dans un château. Puis il avait collé des billets de nombreux pays du monde, achetés à prix dérisoire au comptoir d'une tabagie.

La réunion débuta. Henri, le peintre, ne savait pas qui allait se joindre à eux. C'était un «client» bizarre que Rita avait rencontré dans une vente de garage.

Il distribua les bulletins de vote.

- S'il n'y a pas consensus, nous ne l'accepterons pas dans notre club.

Ils acquiescèrent.

- Mais, comme vous savez tous, nous devons l'aider comme nous nous aidons mutuellement. Je vous demanderais de faire preuve de charité…Un jour il pourra peut-être…Oui, peut-être devenir heureux comme nous…

Rita lança son gâteau au visage de Jean-Guy et éclata de rire.

L'autre se léchait les lèvres et mangeait toute la crème qu'il avait en dessous du nez.

- Il arrive, dit le président.

Tous se tournèrent vers la porte.

L'homme était cravaté, le regard vif, vêtu d'un complet bleu, les cheveux blancs, et avait une démarche raide et un sourire que tous trouvaient étrange.

- Je suis un démocrate…Tout le monde a le droit de voter. C'est ça la démocratie…

Il distribua les poignées de main et serra celle de Josée si fortement qu'un doigts céda. Mais elle ne se plaignit pas de la douleur… Elle était habituée…

- Je voudrais être membre de votre club, dit l'homme.

Jean-Guy se mit à vomir. Rita lui envoya son gâteau en plein visage et Sylvia la schizophrène vit un monstre visqueux apparaître devant elle et se mit à hurler.

La colombe eut une diarrhée. Étant sortie de sa cage, la tête blanche du monsieur changea de couleur.

Ils rirent à gorge déployée.

- Du calme, du calme… On vote.

Comme ils ne savaient pas écrire, ils firent un X dans la case de gauche.

Thérèse, rivée à son lit, envoya son crucifix à la gauche de son cou. La croix pendait le long du lit en se balançant…

- Nous vous enverrons les résultats demain, monsieur.

Il sortit.

Tous se regardèrent et, pour la première fois de la soirée, devinrent tristes.

- Pauvre lui…

- Oui… Mais ce n'est pas notre faute s'il est ainsi.

- Ce doit être difficile d'être aussi «anormal»… Il doit souffrir…

- D'accord. J'ai une chose à vous proposer. On ne votera pas pour lui, mais on le prendra dans notre club. Alors, il y a espoir qu'un jour il redevienne normal…
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