Vivre avec un handicap (4)

Vivre avec un handicap (4)

Je trouve que pour une mère de famille qui a eu quatre enfants, je m’en sors pas mal médicalement. C’est sûrement pour cela que Nathalie me garde. Je mijote aussi de bons petits plats, je fais le ménage. Je suis de bonne compagnie. J’essaie d’être discrète. C’est une qualité première lorsque l’on veut travailler à domicile. On s’infiltre dans la vie des gens qu'on le veuille ou pas. J’ai souvent, depuis bientôt neuf ans que j’opère dans le domaine, assisté à des chicanes de couple. On me demandait même mon avis. On s’est confié à moi et par le fait même je me confiais. Signe de confiance, mais qui peut se retourner contre vous.
Cet après-midi-là, comme à l'accoutumée, je m’apprêtais à injecter trois seringues d’eau  a Nathalie, avant de la connecter pour son gavage, mais j’avais beau appuyer sur le piston de la seringue, rien ne fonctionnait!Elle
me dit de mettre de l’eau chaude. Rien, toujours rien c’était tellement bloqué que son tube en nylon commençait à se gonfler comme un ballon !
J’arrête tout dis-je sinon ça va exploser ! En plus, il était presque une heure trente ! J’allais manquer mon autobus !
Je ne savais plus que faire. Je ne voulais pas la laisser seule dans cet état mais mon temps de travail était fini. Nathalie me dit :
⦁ Vas y  je vais me débrouiller,  je vais téléphoner à quelqu’un.
⦁ OK! Si tu penses que…appelle-moi s’il y a quelque chose…à demain ».
Et je suis partie avec mes inquiétudes.

Le lendemain matin, je me présente vers neuf heures. J’ai la clé de son appartement, Nathalie m’en a donné un double. J’ouvre la porte, je regarde à gauche là ou elle se tient toujours devant son ordinateur. Personne !
Je me dirige vers la salle de bain ou je me dis que son chum l’a surement emmenée. Elle n’est pas là ! Puis j’arrive face à face avec Pierre.
⦁ « Tu cherches Nathalie ? Elle est entrée à l’hôpital hier après-midi ! J’ai fait exploser son tube ! Si t’avais vu ça ! Il y en avait partout!
⦁ Ils l'ont opérée a froid.
⦁ À froid ? Répétais-je. Elle est brave !
⦁ Je vais aller te reconduire me dit-il ».

En descendant de son camion, il me dit :
⦁ Apelle-moi ce soir vers sept heures, je saurai à quelle heure elle sort demain.
⦁ Ok à demain et merci ! ».
Il est vraiment spécial ce type me dis-je en mon for intérieur.
Il a fallu qu’il pousse « en pas pour rire » pour le faire exploser le tube !
J’espère que ce n’est pas de ma faute… là je me sentais coupable et il fallait que je le sache à tout prix ! Était-ce de ma faute ?